
Comment l'enfant en deuil réagit-il?
Pour les enfants comme pour les adultes la mort est vécue d’une manière toute personnelle et chaque fois singulière.
« L’impact qu’aura cette mort va dépendre du morceau de vie parcouru par l’enfant avec son proche décédé. Si une relation très forte et fusionnelle avait été tissée, la réaction face à la mort risque d’être très difficile et douloureuse.
Si davantage d’espace avait déjà pu être aménagé et que l’enfant avait eu la possibilité d’apprendre à détendre les liens de dépendance qui le reliaient à ses parents, alors les conséquences seront différentes. Non que ce début d’autonomisation permettrait de diminuer sa souffrance, mais cela la rendra plus facilement supportable, pensable et surtout susceptible d’être travaillée » explique Patrick Ben Soussan. Si l'enfant a su la personne gravement malade et a pu la voir cela l'aura préparé à cette séparation.
« La survenue du deuil d’un proche dans l’enfance est toujours une épreuve pleine de risque et dont les effets peuvent être durables » Michel Hanus psychiatre psychanalyste.
Les mots et les réactions des enfants en deuil sont souvent surprenants, déroutants, vifs, intenses, ou absents, silencieux, presque inexistants.
La souffrance est bien là, même si elle ne semble pas s’exprimer ou qu’elle n’apparaît pas. Les adultes peuvent penser que l’enfant ne souffre pas, qu’il est passé à autre chose, il faut être vigilant, il faut parler du défunt. En cas de repli sur lui, être attentif aux éventuels échanges et aussi aux comportements de l’enfant avec ses pairs.
L’enfant va tâter le terrain pour voir s’il peut poser ou non ses questions. Si on ne lui répond pas, il risque de se taire définitivement sur ce sujet ou même sur un autre sujet délicat.
Le deuil ne s’exprime pas comme chez l’adulte par des mots, parce que l’enfant ne possède ni l’expérience ni le vocabulaire. Il ne connait pas nos codes socio-culturels.
La douleur s’exprime par le corps, dans des actes, des jeux et surtout des symptômes ou troubles somatiques qui traduisent de nombreuses angoisses.
L’enfant n’a pas la même conscience du temps que nous, adultes, il a du mal à concevoir l’absence comme définitive.
L’enfant a peur pour les adultes qui l’entourent, il a peur de l’abandon.
Que peut-on observer ?
Régression des acquis.
Peur d’aller se coucher ou de dormir seul.
Vouloir remplacer le parent absent.
Mutisme, repli sur soi, besoin de beaucoup de câlins, peurs, attitudes provocantes, décrochage scolaire …
« La particularité du deuil chez l’enfant, c’est qu’à la tristesse et au chagrin s’ajoutent l’instabilité de l’humeur et du caractère, le fléchissement scolaire, le repli sur soi, les difficultés à s’endormir et parfois à manger. Le dérèglement induit par le deuil prend une énergie fort importante qui peut venir perturber la croissance et l’épanouissement d’un être en plein développement. La mort d’un proche est un évènement trop violent à assimiler pour qu’on n’y rajoute encore la fragilisation et l’isolement de l’enfant, effet pervers d’une attitude adoptée pour le protéger. Si difficile qu’elle soit à dire, il faut dire la vérité. A chacun ensuite, de moduler ses propos, de trouver ses mots. Entre le silence et la parole un peu trop crue, trop brutale, à la précision trop anatomique qui pourrait heurter l’enfant », continue Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre « Il y a la démarche qui consiste choisir la simplicité, à se mettre à sa portée et à s’assurer qu’il a bien saisi le message qu’on voulait lui transmettre. S’adresser à l’enfant comme un protagoniste de la mort, et ce à tout âge, c’est faire preuve à son égard de respect. Toute autre attitude est problématique : au prétexte d’éviter un présumé traumatisme, on crée un profond malaise qui lui est bien réel ».
Les enfants ne restent pas longtemps dans la même émotion, leur tristesse ne dure pas, parce que la pulsion de vie est forte chez eux, ce qui fait que les adultes peuvent se tromper sur la tristesse de l’enfant en deuil, la minimiser, elle peut disparaître pour reparaître à un autre moment. Soyons vigilants !
Un enfant en deuil n’est pas un futur traumatisé, il peut se reconstruire, mais il faut le lui permettre. Il aura besoin d'être écouté
Une tendance de notre société occidentale voudrait faire de la mort seulement une affaire de spécialiste. Les parents, les enseignants, les animateurs de vie scolaire par leur connaissance de l’enfant et leur proximité occupent une place prépondérante pour accueillir la parole, les questionnements de l’enfant. Pour aborder la mort sans tabou, il faut l’intégrer comme un fait. La mort inéluctable fait partie du cycle de la vie. Mais pour la mort d'un très proche l'enfant aura besoin de l'écoute d'une psychologue. Il existe aussi des association pour les enfants en deuil.
L’école est là pour accompagner l’enfant puis l’adolescent dans sa construction d’adulte en devenir. Mais peut-on enseigner sans prendre en compte l’élève dans sa globalité et dans ses particularités? Dispenser un savoir, c’est, s’assurer de son acquisition tout en se préoccupant des difficultés individuelles de chacun, en les prenant en compte, car inévitablement, elles influent sur les apprentissages.
Difficultés familiales, divorce, troubles du sommeil, anorexie, conduites addictives, deuil etc., toutes ont un impact majeur sur les résultats scolaires. Alors pourquoi délaisser l’élève qui vit un deuil ? La mort est un sujet tabou à l’école, dans les familles, dans la société. Elle fait pourtant partie intégrante de la vie.
Les difficultés de l’enfant se révèlent le plus souvent à l’école par un comportement agressif, échec scolaire, manque de concentration, échanges avec les copains…
Si nous ne pouvons empêcher que nos enfants soient confronter à la mort nous pouvons les protéger en leur donnant des outils pour se construire, en ne les laissant pas seuls avec leurs questions, leur recherche de sens, en les laissant exprimer leurs interrogations, sans fermer les portes à ces questions qui surviennent et qui favorisent la pensée en toute chose. La conscience de la mort est indispensable, l’enfant doit l’intégrer, comprendre que la vie n’est ni toute rose, ni toute noire et comprendre que l’on ne maîtrise pas tout. Il faut parler de la mort aux enfants car ils ont un imaginaire tel, qu’ils envisagent des choses pires que la réalité.
Aborder le thème du cycle de la vie, parler, dialoguer avec l’enfant et ne pas escamoter la mort aident l'enfant
et le préparent à affronter les épreuves de la vie et de ce fait le sécurisent. L'enfant ne "vit" pas la mort comme les adultes et il doit apprendre ce qu'elle représente, comme il apprend à vivre à nos côtés, pour un jour devenir un adulte accompli.
